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Veritas

versión On-line ISSN 0718-9273

Veritas  no.39 Valparaíso abr. 2018

http://dx.doi.org/10.4067/S0718-92732018000100137 

Sección Teología

Trois missionnaires capucins dans le Royaume de Congo de la fin du XVIIe siècle: Cavazzi, Merolla et Zucchelli. Force et prose dans les récits de spectacles punitifs et de châtiments exemplaires

Three Capuchin missionaries in the Kingdom of Congo at the end of the 17th century: Cavazzi, Merolla and Zucchelli. Strength and prose in the stories of punitive spectacles and exemplary punishments

Tres misioneros capuchinos en el Reino del Congo a fines del siglo XVII: Cavazzi, Merolla y Zucchelli. Fuerza y prosa en las historias de espectáculos punitivos y castigos ejemplares

José Sarzi Amade1 

1Umversité Aix-Marseüle (France) saiziamadejose@gmail.com

Résumé

L’article traite de littérature de voyage et plus particuliérement de récits de missionnaires italiens de l’ordre des Capucins, ayant ceuvré à 1’évangélisation du Royaume du Congo vers la fin du XVIIe siécle. Giovanm Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Girolamo Merolla da Sorrento et Antonio Zucchelli da Gradisca ont un point commun, celuí d’avoir reporté dans leurs livres respectifs, des mamfestations d’aprionsmes, de violences à l’encontre des us et coutumes congolais. L’étude en offre les détails littéraires traduisant ees répressions et leurs surgissements. Sur le fond, elle marque une distinction entre une narration découlant d’une violence réelle, celle de spectacles pumtifs, et une autre, imagologico-morale, expnmée en chátiments exemplaires.

Mots-clés: Cavazzi; Merolla; Zucchelli; Capucins; Congo; missionnaires

Abstract

The objective of this research is to investigate about travel literature, particularly on the travel accounts written by the Capuchin missionaries Giovanni Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Girolamo Merolla da Sorrento and Antonio Zucchelli da Gradisca, who participated in the Evangelization of the Kingdom of Congo in the late seventeenth century. Their texts are characterized by the recurrence to apriorisms and the use of violence toward Congolese traditions and customs. This study examines precisely the literary motifs that represents the above mentioned characteristics and, simultaneously, establishes the causes of their origin, through the distinction between narrative as a result of the real violence represented in the punitive spectacles and a imagological-moral violence, expressed through exemplary punishments.

Key words: Cavazzi; Merolla; Zucchelli; Capuchins; Congo; missionaries

Resumen

El artículo trata de literatura de viajes y más particularmente de historias de misioneros italianos de la orden de los Capuchinos, quienes trabajaron para la evangelización del Reino del Congo a fines del siglo XVII. Giovanni Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Girolamo Merolla da Sorrento y Antonio Zucchelli da Gradisca tienen un punto en común, el de haber expresado en sus respectivos libros, manifestaciones de apriorismos y violencia contra las costumbres congoleñas. El estudio ofrece detalles literarios que reflejan estas represiones y sus emergencias. En lo sustancial, se establece una distinción entre una narración resultante de la violencia real, la de los espectáculos punitivos, y otra, imagológica-moral, expresada en castigos ejemplares.

Palabras claves: Cavazzi; Merolla; Zucchelli; Capuchinos; Congo; misioneros

Introduction

Si l’on se plonge dans les récits de mission d’évangélisation des peuples du XVIIe siècle, portant sur l’Afrique subsaharienne, on est sûr de lire nombre de passages d’un genre varié, proche des miscellanées. En effet, s’entrecroisent dans les livres laissés par les missionnaires à cette époque, de la narration viatique (qui porte sur l’ensemble des déplacements accomplis par les prêtres, par terre et par mer), des descriptions ethnographiques (à propos de l’exotisme des peuples indigènes et des nouvelles faune et flore rencontrées), des chroniques (sur l’histoire ou l’historiographie des sociétés rencontrées et leurs imbrications avec les entités coloniales), de la narration fantasmatique ou providentialiste (pour les passages mêlant des références littéraires patristiques et classiques), des récits encomiastiques (sur des vies de saints ou faisant l’apologie du zèle des missionnaires) et des sermons.

C’est précisément sur ce dernier aspect énoncé que porte ma réflexion, mais plus particulièrement concernant les passages qui renvoient aux châtiments, aux sanctions exercés ou évoqués par les prêtres missionnaires envers les sorciers impies ou réfractaires à la foi. Pour ce faire, et afin de ne pas se disperser, j’ai choisi de traiter ici les récits de trois auteurs ayant œuvré dans les anciens Royaumes du Congo, Angola et Matamba. Il s’agit de trois Capucins italiens, dans la chronologie de leur œuvre : P. Giovanni Antonio Cavazzi da Montecuccolo ― Istorica descrizione dei tre Regni Congo, Matamba ed Angola situati nell’Etiopia inferiore occidentale […] (1687) ― P. Girolamo Merolla da Sorrento ― Breve e Succinta relazione del Viaggio nel Regno del Congo […] (1692) P. Antonio Zucchelli da Gradisca ― Relatione del viaggio o missione del Congo nell’Etiopia inferiore occidentale […] (1712) ―.

Ma présente étude cherchera à mettre en exergue, après un bref rappel d’éléments contextuels autour des missionnaires, la présence dans les textes cidessus de narrations portant sur des épisodes de répressions, de violences, de châtiments publiques ou spectacles punitifs dans lesquels les prêtres ont été directement impliqués. Puis, mon intérêt ira aux récits dont la véracité est toute relative mais qui ont été reportés dans ces livres en guise de sermons, de littérature exemplaire afin de magnifier le zèle des évangélistes, de traduire la supériorité de la foi sur les superstitions rencontrées et d’affirmer la puissance civilisatrice de la Mission. Enfin, je terminerai par quelques considérations finales.

1. Contexte

Cavazzi (parti en 1657), Merolla (1682) et Zucchelli (1697) sont des Capucins italiens partis en mission sous l’égide de la Sacra Congregatio de Propaganda Fide, organisme créé en 1622 par le pape Grégoire XV, suite à la bulle Inscrutabili Divinae Providentiae (Tomassetti, 1872: 690-693). Leurs actes et leurs écrits étaient conditionnés par cette institution. Nos auteurs faisaient partie des 420 capucins, presque tous italiens, qui partirent évangéliser le Congo et l’Angola à partir de 1645, et ce jusqu’en 1835, dans le cadre de ladite missio antiqua. Il dut y en avoir parmi eux une bonne vingtaine dont la tâche fut entre autres de décrire les expériences missionnaires et leurs vies passées au milieu des populations locales (Sarzi Amade, 2017a, 2017b).

1.1. Des conditions de vie pénibles

Avant toute chose, il faut considérer plusieurs facteurs qui ne faisaient qu’appesantir la déjà compliquée tâche du missionnaire. L’attachement à la Règle franciscaine renvoyait les Capucins aux préceptes des ordres mendiants et les contraignaient à affronter de longs voyages, avec les contraintes du jeûne, sans recevoir de salaire mais seulement des aumônes (argent ou nourriture, mais toujours en échange d’un travail fourni). Le motif de l’affliction continue dans les rangs capucins était le manque de confort. En effet, si l’environnement et le climat africains apparaissaient comme très peu salutaires, les deux raisons qui épuisèrent durablement les prêtres, furent d’abord la tenue vestimentaire obligatoire, c’est-à-dire une épaisse robe de bure qui était tout à fait inadaptée à la chaleur des lieux et par conséquent à l’hygiène corporelle. Étouffante, elle activait la transpiration et était cause de déshydratation. Ensuite, les innombrables saignées ou phlébotomies ancrées dans les pratiques médicinales de l’époque, afin de renouveler le sang et l’adapter à la nouvelle nourriture (en l’occurrence celle d’Afrique), la plupart du temps malsaine, qui constituaient une pratique inadaptée et dangereuse, car elles diminuaient le fer dans le sang rendant le transport de l’oxygène plus difficile. Bref, à cause de ces deux usages contraignants, l’épuisement et l’anémie étaient chose commune chez nos Capucins. Ces deux conditions extrêmes réunies pouvaient augmenter, selon les cas, l’irritabilité voire la neurasthénie.

1.2. Une acculturation mitigée

Indéniablement, l’une des activités élogieuses à mettre au crédit des missionnaires capucins concerne les savoir-faire enseignés et les services additionnels qu’ils purent offrir aux populations locales. Leur intervention didactique s’effectua dans les domaines les plus variés. En cela, ils s’employèrent par exemple à la culture de potagers où quelques fois ils réussirent à faire germer des graines d’Europe, Merolla laisse apparaître dans son texte quelques menus détails concernant l’acculturation des populations. Notre Capucin signale que l’on pouvait compter au Royaume du Congo sur des esclaves experts formés aux médecines pratiquées en Europe, spécialement en matière de saignées ou phlébotomies, interventions indispensables, pensait-on, pour traiter des maux courants dans ce pays, et qu’il existait des hospices et autres orphelinats où des soins relatifs à la dignité humaine étaient prodigués de façon gratuite (Merolla, 1692: 398-400). Les Pères, dès leur venue, eurent le souci d’améliorer le confort intérieur et extérieur des Congolais. Afin d’isoler les habitations, ils crurent bon de calfeutrer de nattes les intérieurs, souvent faits d’osier, l’idée étant de “tapisser” les demeures. Ils forgeaient aussi des outils et ustensiles nécessaires à la découpe du bois et confectionnaient des pièges pour éloigner les animaux féroces (Randles, 1968: 79-84).

En dépit des progrès matériels, l’acculturation a son versant négatif. Dans son article, André Mary (2000) affirme que l’évangélisation missionnaire relève plus de la négociation casuistique sur le terrain que de l’application rigoureuse de la théologie. Car l’évangélisation de l’Afrique s’est heurtée au paganisme, elle n’a pas trouvé le terrain propice à la médiation, au syncrétisme, au regard des différences culturelles et idiosyncratiques en place, et devant de nouvelles mœurs, croyances et enseignements. Aussi n’est-ce pas faire offense à ces trois religieux que de souligner, dans leur écriture, le peu d’aplomb à la compréhension interculturelle. On remarque en effet, une très grande ressemblance dans la narration. Leurs considérations souvent se rejoignent, s’entrecroisent, ceci laissant entendre un esprit de même niveau, une sensibilité ressemblante, une formation sans doute équivalente.

Il est donc indispensable, en conformité avec les propos de Mary, de souligner que les interventions des missionnaires sur le terrain sont à examiner au cas par cas, et les actions personnelles d’un tel ou autre prédicateur pouvaient parfois desservir la cause de la mission en général. C’est précisément ce qu’il advint au Congo à cette époque: dans l’approche des Pères capucins que sont Cavazzi, Merolla et Zucchelli, pour les points que je vais aborder, le zèle prit souvent le dessus sur la raison.

2. Agir avec force

2.1. Une incompréhension a priori

La mise en lumière des motifs de conflit entre deux cultures différentes permet d’entrevoir les prodromes de la violence qui s’installa entre deux communautés. La volonté obstinée des Capucins à d’imposer, à des sociétés millénaires et constituées un moralisme universel, une rationalité par le biais de la religion, les fit opter pour une tabula rasa. Ils s’employèrent à l’éradication de ce qui était à leurs yeux superstition et l’idolâtrie, et tu-teurèrent le christianisme naissant par force baptêmes, mariages, catéchisme et maintien de la foi à tout prix. D’après Richard Gray (1983), les missionnaires assumèrent a priori le fait que le conflit entre ordre nouveau et ancien allait être total et inévitable, tandis que Jean Nsondé souligne le motif du déséquilibre et de la violence comme suit:

Il semble aujourd’hui de plus en plus certain que le christianisme n’a pas été perçu dans sa spécificité, mais comme un culte supplémentaire, pouvant apporter un plus spirituel, magique et peut-être matériel, particulièrement aux dignitaires politiques. Cette vision est manifeste dès la fin du XVe siècle, au moment de la conversion du Mani Soyo, premier dignitaire baptisé en 1491. (Nsondé, 1992: 105).

Il faut bien comprendre que la rencontre entre l’évangélisme missionnaire d’une part et le pouvoir local de l’autre suscita heurts, incompréhensions et rivalités. La justice prônée ou mise en place par la religion chrétienne rompait avec les traditions ancestrales d’art divinatoire, la loi et les us et coutumes des Congolais. L’idolâtrie des totems et le zèle des sorciers furent combattus et condamnés, et le pouvoir du mana, du fait religieux primitif, autant indéfini qu’inexplicable, fut mis à mal par les prérogatives de la nouvelle religion chrétienne, sa croyance en la révélation et en la justice divine. Le passage d’un régime ancien aux lois terrestres presque immuables à un régime nouveau aux lois célestes intransigeantes, fut problématique.

L’une des craintes, omniprésente chez les missionnaires, était la vindicte. En effet, en raison des problèmes linguistiques et des différences de mœurs et d’idiosyncrasies entre étrangers, il pouvait y avoir des heurts allant parfois jusqu’au lynchage. Fort heureusement Cavazzi, Merolla et Zucchelli n’eurent pas à subir le sort de certains de ses malheureux coreligionnaires qui succombèrent sous les coups des gourdins, ou torturés pour leur foi et leur prédication.

Les réactions de violence que manifestèrent les missionnaires, afin, croyaientils, d’éradiquer le mal à la racine, furent principalement vis-à-vis des féticheurs détenteurs du pouvoir. Convaincus que ces derniers maintenaient leur peuple dans l’erreur au moyen de pouvoirs superstitieux, les religieux livrèrent une bataille contre ceux qui étaient sur le terrain missionnaire leurs rivaux. En effet, au Royaume du Congo, ils étaient appelés des habitants de la même façon que pour les féticheurs: en kikongo Nganga Nzambi qui signifie littéralement prêtre de Dieu. Georges Balandier (1965) décrivit ce dernier comme un garant des savoir-faire et des techniques et c’est grâce au nkisi, force surnaturelle en kikongo, que son intervention est rendue possible. Les sorciers avaient pour mission première d’identifier la cause du mal et d’éloigner d’éventuels mauvais sorts, c’est-à-dire des mikisi ou ki-ndoki. Ils dressaient et utilisaient contre ces derniers le nkisi ou fétiche.

Les féticheurs, dont les appellatifs étaient multiples, suscitaient des frictions avec l’idéologie chrétienne. Merolla les nomme plus génériquement en langue kimbundu kuscinguila (celui qui possède un corps au moyen d’un esprit) et appelle le grand-sorcier en kikongo Nganga Kitome (maître des cycles agricoles) (Sarzi Amade, 2017b: 102n, 104n). Les missionnaires les mentionnent toujours de façon péjorative, car leurs actions constituaient de réelles entraves à la progression de la foi sur le terrain.

2.2. Des Pères fouettards et pugnaces

Une lutte d’importance pour les missionnaires consistait à éradiquer les idoles ou fétiches avec lesquels les sorciers haranguaient les foules. Le plus contraignant, comme le rapporte Merolla (1692), fut que les missionnaires n’étaient pas autorisés à intenter un quelconque procès aux féticheurs, au motif que ces derniers étaient non-chrétiens. Ainsi, quand ils apercevaient ces totems grossièrement taillés, ils se précipitaient pour les confisquer ou les détruire, mais se devaient de relâcher l’enchanteur qui les manipulait. Dans tous les cas, Merolla le rappelle dans son texte, les sorciers faisaient l’objet de représailles officieuses, et un système de “traque” organisé par les Capucins s’était mis en place. Pris une première fois, le magicien était relâché après avoir abjuré et observé une pénitence. La deuxième fois, il devait payer sa faute par une rançon consistant en une “pièce d’Indes”, c’est-à-dire, en clair, en donnant un esclave. S’il récidivait une troisième fois, il était fait esclave et le profit de sa vente était distribué aux pauvres. En dernier lieu, s’il s’avérait qu’en tant qu’esclave il usurpait la condition sociale des sorciers, il était dès sa première interpellation vendu aux Portugais par un intermédiaire que les missionnaires avaient délégué, et le gain obtenu était réparti entre les mendiants ou servait à l’achat de toiles nécessaires à la confection de linceuls.

La chasse aux idoles et aux sorciers s’était implantée dès l’arrivée des Portugais au Royaume du Congo, c’est-à-dire vers la fin du XVe siècle. Malgré la virulence des prêtres, le phénomène demeurait difficile à enrayer et destiné à perdurer au fil du temps. Voici un passage concis qui résume fort bien cet aspect:

Depuis que cette nation a embrassé la foi de notre seigneur, il y est resté plusieurs sorciers et enchanteurs (comme les enchanteurs dans notre Europe) qui sont la ruine de ces peuples d’ailleurs très dociles: en sorte qu’il est comme impossible au roi de les extirper, [jusqu’à présent] ce prince qui est très bon chrétien et très bon catholique, a donné la permission à plusieurs de [ses] principaux qui [connaissent] leurs retraites, de mettre le feu à leurs cabanes: mais eux [les sorciers] ayant des espions, [bien que] ce soit de nuit qu’ils s’assemblent, s’enfuient et sont rarement pris (De Guattini & Di Carli, 1680: 140).

Zucchelli (1712), par exemple, n’y alla pas de main morte quand il s’agissait de brimer les comportements des fauteurs de trouble. En effet, il raconte, en certaines occasions, avant le Carême, avoir organisé un spectacle punitif. Huit Noirs, accusés d’être des passeurs d’esclaves destinés à la traite transatlantique, comparaissaient sur la place de l’église et se voyaient attachés à des troncs puis copieusement flagellés à la vue du peuple. En d’autres circonstances, ce missionnaire utilisa la violence et le fouet pour corriger les récalcitrants:

[…] feci frustare, ed abiurare pubblicamente due donne Fattucchiere […], mi dissero, che doppo d’havere fatta l’invocazione del Demonio, subito si sentivano a girare, e raggirare la testa, e divenivano fuori di se medesime, come che fossero state, o stolte, o ubbriache. (Zucchelli, 1712: 244)1. Io quando n’hebbi sentore di questo disordine, procurai similmente d’havere una notizia distinta quali fossero questi malvagi, che così fatalmente ingannavano que’ Popoli: e fattili pigliare da’ miei Negri, e ligare agli alberi sulla pubblica Piazza, castigandoli alla presenza di tutto ‘l popolo con una solennissima frusta, feci conoscere a tutti li loro inganni: onde poi da tal castigo disingannati li Popoli medesimi, cominciarono a confessarsi interamente e’ loro peccati, e così con questo mezzo termine del bastone potei proseguire, ed ultimamente la Missione.( Zucchelli, 1712: 339-340)2.

De même, Cavazzi recourut à l’intimidation du fouet face à un forgeron affirmant de manière théiste qu’il existe un dieu céleste, garant de l’ordre cosmique, mais aussi qu’il en existe un autre, tel un esprit du foyer, présent dans son atelier. Sous la menace de la correction physique, le forgeron abjura sa croyance:

Portatosi un giorno il mio Compagno Frate Ignazio alla fucina di un Fabbro per certo suo affare, nel discorrere, che fecero insieme, trovò ch’egli costantemente asserisce, esservi due soli Dei nell’Universo, il primo de’ quali risiedeva sopra le Stelle, & il secondo dimorava in questa tetra Officina. […]. Allora il Rè, […] ordinò che immediatamente fosse frustato. Nell’atto di eseguirsi questa Sentenza, […], rivolto a me, esclama tutto ravveduto. Ganga Ganga Zambi imexi quiri, cioè a dire. Padre Padre. Un solo Dio vero, e non più. (Cavazzi, 1687: 814-815)3.

Le P. Zucchelli (1712) alla loin dans la violence et les spectacles punitifs, en écrivant avoir fait lier un sorcier à une croix en place publique. Après avoir reçu la peine du fouet, ce dernier se vit, chaque matin et pendant huit jours consécutifs, attaché à cette croix afin de servir l’exemple.

Merolla (1692) eut personnellement quelques passes d’armes avec les sorciers qu’il raconte avec un sentiment de devoir accompli. Il s’entremit à plusieurs reprises pour morigéner les comportements vindicatifs mûs par une sorte de loi de talion. Par exemple, à Bengo, il se trouva mêlé à une vindicte. Un père vit son fils malade mourir devant lui à la suite d’une saignée faite par son esclave. Le fils, par une mauvaise manipulation eut l’artère sectionnée et succomba. Le père pensa que son esclave le fit exprès et pour se venger, il lui appliqua le bolungo (justice sommaire) en lui brûlant le visage avec une torche. Notre Capucin emprisonna ce malfaiteur afin de le punir pour cette justice sommaire mais aurait voulu s’en prendre avec le tenant de cet enseignement, un sorcier, qui lui avait fui dans son village. Un autre épisode met cette foisci en scène sa pugnacité. Lors d’un interrogatoire avec un sorcier, il eut une altercation physique avec l’accusé et dut s’employer pour en venir à bout, obtenir son abjuration puis, il le flagella copieusement et le relâcha.

[...] restai con l’interprete a custodirlo; e quantunque al di fuori dimorasse gran gente, pur il mago sfuggì. Io sopragiunsi per ritenerlo, ma mi restò in pugno solo quel pannicello di cui era cinto; il cane di casa se gli fè incontro per saltargli adosso, e […] lo feci cadere quant’era lungo a terra. Gli fui sopra e con una mano lo trattenea, e con l’altra a percosse della mia corda lo mortificavo, [...]. Finalmente si fè abiurare, e con publica e salutare penitenza di tante staffilate, si liberò. (Merolla, 1692:105-106)4.

En d’autres circonstances, Merolla menait son enquête, cherchant à lever le mystère de l’évasion d’un sorcier qu’il tenait prisonnier. Ce dernier s’était enfui de sa geôle et avait mis à sa place un esclave. Furieux, notre Capucin menaça que l’on fasse couper la tête à ce nouveau détenu. Il donna l’ordre d’exécuter la sentence mais l’esclave, la lame sous la gorge, passa aux aveux. En dépit de ce procédé d’intimidation catégorique, il ne put retrouver le sorcier car celui-ci avait levé le camp, comme c’était généralement le cas puisque les magiciens avaient des huttes pour habitation qu’ils transportaient d’un endroit à l’autre. En définitive, ils étaient extrêmement mobiles et aguerris à la dissidence.

En matière d’éradication de la magie qui sévissait dans le comté, Merolla est exaspéré car les autorités temporelles ne collaboraient nullement dans ce domaine. En effet, il réprouve la mollesse du comte Dom António Barreto da Silva I (1680-1691), n’autorisant pas plus que la flagellation des féticheurs tandis que son prédécesseur Dom Estêvão da Silva II (1676-1680) aurait été, selon les dires que lui rapportèrent ses compagnons, jusqu’à décapiter ceux qui avaient été jugés ennemis de la foi (Merolla, 1692: 103-104).

3. Avertir en prose

La violence se fit ressentir dans nombre d’interventions des missionnaires. Elle transparaît au fil de leur narration. Les divers cas de figure que j’ai relevés illustrent en quoi l’implication des prêtres ne fut pas toujours placée sous le signe de la médiation, de la communion, mais se fit au contraire sous la menace, l’invective voire la terreur. Cependant, il faut tout de même garder à l’esprit que les missionnaires, dans le rendu de leur faits et gestes et dans le cadre de leurs luttes doctrinales, ont pu galvauder le contenu de leurs récits. Des épisodes de violences réelles ont pu survenir, certes, mais d’autres prenaient les traits littéraires d’une violence figurée, sublimée par leur plume et servaient leur intérêt propagandiste ainsi qu’à justifier le travail accompli en mission. Par conséquent, il n’est pas rare de rencontrer dans ces livres, des récits complètement fantasques où les prêtres donnent libre cours à leur imagination s’arrogeant d’une foi surnaturelle qui met en garde, punit ou même rétribue par la mort les fautifs.

Les prêtres capucins glissaient dans leur narration, un mélange de saynètes, tableaux vivants ou même de Mystères5 (De Segaud, 1767) dans le souci d’édifier et de moraliser, de rendre hommage et plus généralement d’inspirer la crainte. Étant donné qu’une rhétorique sermonnaire domine l’ensemble de ces productions littéraires, on trouve, glissés dans la narration, des récits d’exemplarité plus ou moins flagrants. Certains sont manifestés comme tels, d’autres sont diffus dans le texte. Même s’il est souvent malaisé d’interpréter ces arguties, sans exhaustivité, j’en reporte quelques fragments choisis, afin de rendre plus visible ce trait d’écriture.

3.1. De l’admonestation

Admonester, courroucer ou semoncer, sont des verbes qui rendent l’idée de discours préventifs prononcés par les prêtres évangélistes, ou d’images truculentes afin d’instiller la peur et remédier à des comportements hétérodoxes.

Ainsi, Merolla pour convaincre son auditoire en voulant dénoncer les sorciers, se doit de hausser la voix, à coup d’envolées lyriques et “capucinades” contre ces ennemis jurés de la foi. Il s’y emploie dès son arrivée au Soyo, dans son premier sermon où il se fait le pourfendeur des sorciers comme pour donner le ton et afficher sa détermination à peine arrivé en mission:

Finito il Vangelo, su di cui si costuma predicare, presi per tema queste parole dello stesso Evangelo, Non occides. E provando quest’assunto contro gli stregoni, dissi esser molto peggiore ammazzar l’anime con farle idolatrare che uccidere il corpo, essendo l’uno corruttibile e l’altra immortale. E perché replicai più volte, nel corso della predica, il termine d’ammazzar o uccidere, il popolo diede in un gran mormorio. (Merolla, 1692: 89-90)6

Un autre mécanisme littéraire utilisé par Merolla est celui de l’analogie. À ce titre, certains faits advenus au Soyo concernant les comtes D. Pedro da Silva de Castro (1670-1672) et D. António Barreto da Silva I (1680-1691) induisent Merolla (1692) à comparer certaines actions de ces comtes à celles de personnages bibliques. Le premier, dont le récit est rapporté par notre missionnaire car antérieur à sa venue, fut victime d’une vindicte de son peuple parce qu’il avait persécuté les Capucins: il fut, selon notre auteur, cruel à l’instar du Pharaon d’Égypte qui réduisit en esclavage le peuple hébreu. L’autre comte, avec lequel Merolla (1692) traita personnellement, finit par recevoir une excommunication pour esclavagisme et hostilité aux Capucins: lui fut associée, pour un épisode où il se repent d’avoir favorisé la pratique des jurements reconnus comme superstitieux par les prêtres, la figure du roi David, quand ce dernier demanda pardon à Nathan pour l’avoir déshonoré. Le même comte qui avait aux yeux de Merolla (1692) désobéi, et qui s’était livré au trafic avec les Anglais et Hollandais, se vit frappé de maladies opportunes comme la rougeole et la petite vérole, lui et sa famille. Pour expier ses fautes, il dût se plier à une pénitence sous forme de passion du Christ. Son épouse fut aussi prise de syncopes. Cet épisode laisse un doute quant à sa véracité mais la narration se voulait exemplaire:

Mentre trovavasi quel Dominante scommunicato con suoi Consiglieri, in tempo che dominato aveva la peste in altre Terre, senza attaccarsi e stendersi fin a queste, vi s’introdusse poi qui un morbo sì pestilente di Bescicas, Bone, o morviglioni [...]. Fè vestire tutt’i Cavalieri, […], e lui solamente succinto con un panno, scalzo, con corona di spine in testa, un Crocifisso nelle mani e grossa fune di nave al collo, e, prostrato a terra davanti la porta del nostr’Ospizio, mi richiedè perdonanza di quanto malamente operato aveva, [...]. La sera medesima, fatta palese al Conte la sua ricaduta nella scommunica, per aver dato due schiavi all’Inglese, nella notte quella Signora Contessa fu aggravata da sincope, o per le molestie della gravidanza, o forse per la gravezza de’ disgusti concepiti nelle viscere per causa del Conte suo marito. (Merolla, 1692: 211-212, 227)7

Le Père Cavazzi da Montecuccolo ne me manque pas lui non plus dans sa narration d’expliquer certains faits sous les auspices de châtiments divins. Il le fait, d’ailleurs, en attribuant les malheurs du Royaume du Congo aux écarts de comportements de plusieurs de leurs rois. De cette façon, à chaque fois que ces derniers se détournaient du christianisme, eux et leur royaume se voyaient puni par le ciel et frappaient de plaies ou du fléau de tribus envahisseuses qui ravageaient tout sur le passage. Ainsi, conforme à sa logique, Cavazzi donne jusqu’à la chronologie des années où le royaume fut plongé dans les calamités.

[…], allentando la Christianità del Congo le redini al senso, e a qualunque più enorme dissolutezza, sperimentò ben tosto quanto sia pesante il flagello di Dio oltraggiato; imperoche uscendo dalle tane loro i fierissimi Giaghi, con repentina velocità, propria dell’onnipotente giustizia, più che dell’humano ardimento, inondarono con le rapine, con le stragi, e con lo spargimento del sangue tutto quel grande Regno, […]. I fuggitivi raggiunse Iddio con nuovi flagelli di peste, e di fame, e con una infinità di Locuste […] le quali consumarono l’erbe, le palme istesse, e qualunque fruttifera pianta, fino a rimanerne tutto il Paese, non altrimenti che dal fuoco, miseramente distrutto; il qual castigo rinovossi spesse fiate, e anco a giorni nostri ne gli Anni 1642.43.54.58.62. e 64. Estandovene sempre per alcun tempo calamitose vestigia. (Cavazzi, 1687: 278)8

Un autre avertissement de Cavazzi, sous la forme d’un sombre tableau, se voulait dissuader le sujet qui rendrait l’âme dans l’impiété. Non seulement, ce sont les peines éternelles qui l’attendent mais ce dernier donne l’exemple du cadavre qui est jeté aux fauves et par conséquent, doublement puni.

Una notte, […], avvisata la Regina, che una Donna, altre volte fantesca di Corte, stava in punto di morte, […] mandò il suo Interprete con quattro Schiavi portatori, affinche porgessimo soccorso a quella meschina, come eseguimmo, quatunque infruttuosamente; attesoche invecchiata nelle laidezze, benche occulte, non volle giammai confessarsene, o ascoltare l’Interprete, onde alla fine vomito l’Anima disperata nelle mani del Demonio. […]. Il cadavero di quella rea Femmina fu gittato alle Fiere per comandamento della stessa Regina al cui zelo devo questa sincera lode di havere usati tutti i mezzi, per ridurre in buon stato quella Christianità. (Cavazzi, 1687: 701-702)9

Quelques dédicaces au culte marial sont également au rendezvous dans la Breve e Succinta Relatione. En effet, Merolla utilise ce sujet à plusieurs reprises, comme figure tutélaire ou cultuelle. Lors de son passage au Royaume de Ngoyo où la foi n’avait pas su germer comme au Soyo, LE Capucin se félicita tout de même de voir des habitants qui n’étaient pas insensibles à l’image de Marie et qui malgré leur méconnaissance de la religion catholique rendaient un culte à cette figure.

Il giorno mi trattenevo in terra per dir la santa Messa, alla quale convenivano anche li Gentili, e le donne più d’ogn’altro godevano tanto della sacra Imagine di MARIA Vergine che battevano le mani al lor costume in segno di pia e divota sommissione, dicendo: “Eguandì Ziambiabungù magotti, benquì, benquì”, e significa: “Quella è la Madre di Dio, o come è bella!” E genuflesse a terra l’adoravano, atto di tal tenerezza che muovevami gli occhi alle lacrime al veder in Gente sì sconoscente quel poco d’umile e religioso riconoscimento. (Merolla, 1692: 269-270)10

En dernier lieu, il se servit de l’image d’une madone lors d’un sermon et dans une pantomime, il exhorta les jeunes filles pour leurs mauvaises actions à ne plus offenser le cœur de la sainte-Mère.

Il giorno della Purificazione di Maria sempre Vergine, mi convenne fare un sermone intorno a questa materia, e per commuovere maggiormente il popolo, posi antecedentemente coverta sull’Altare la sua Imagine di rilievo con un pugnale nel petto, come se dalla ferita versasse sangue. Incominciai a discorrere contro simili donzelle, osservatrici del diabolico abuso, [...] facevano anche non piccola ingiuria alla sua purissima Madre. (Merolla, 1692: 147-148)11

3.2. De la justice immanente

Les manifestations de justice immanente s’exprimaient, par des renversements de situation, dans le triomphe de la vertu sur le vice.

D’autres expressions des visées morales recherchées par Merolla (1692) se traduisent en épisodes ou anecdotes farfelus, sujets à caution et même empreints de surnaturel et d’affabulation. Notre capucin en fait part dans le but de démontrer comment les méchants, désobéissants ou récalcitrants sont rétribués par la justice divine et toute-puissante. À ce titre, il fait allusion à un fils rebelle envers son père qui, demeurant au comté de Soyo, s’embarqua de Luanda sur un navire hollandais dans l’intention d’atteindre le Royaume de Loango pour ensuite gagner l’Europe et tout ceci en vue de participer à certains trafics. Cependant, selon l’histoire de notre prêtre, la providence mit fin à ses sombres desseins et il fut abandonné par les Hollandais sur la Ponta da Padrão, situé à l’embouchure du Zaïre, rive sud, tel un fils prodigue. Dans la même veine, un fils révolté contre son père lui tire une balle dans la tête à bout portant. Celleci percute le front du père sans lui provoquer aucune blessure mais ricoche et se retourne contre le fils qui lui en subit les dommages. Ce dernier ne succombera pas et soigné, il se repentit. Enfin, Merolla (1692) va plus loin dans l’outrance, en signalant un événement extraordinaire survenu dans le comté dont, dit-il, sont encore présents les témoins pour en attester. Il s’agit d’une personne qui menait une vie scandaleuse et qui fut un beau jour rappelée à l’ordre et enlevée au ciel par une main invisible au motif de son inconduite:

Volendo finalmente un giorno questo passare il fiume con due altri suoi compagni, si vidde da mano invisibile esser sollevato in aria. Desiderando un suo compagno prenderlo per li piedi, gli fu dato un schiaffo con farlo cadere dentro la barca, né più si vidde il malfattore. (Merolla, 1692: 254)12

Notamment quand il est question de manque d’eau de pluie, apparaît la mise en place d’un subtil jeu entre les forces du bien et du mal, de la foi contre la superstition où missionnaires et sorciers deviennent des rivaux: Parmi les idoles des nations, en est-il qui fassent pleuvoir? Ou est-ce le ciel qui donne la pluie? N'est-ce pas toi, Éternel, notre Dieu? Nous espérons en toi, Car c'est toi qui as fait toutes ces choses (Jr 14, 22).

Le thème de la précipitation surnaturelle des eaux fut en quelque sorte repris par les missionnaires du fait de leur émulation avec les sorciers. Ce phénomène n’est pas un cas isolé au Congo, on le retrouve par exemple chez le Jésuite Francisco Pinto qui, en mission au Brésil au tournant du XVIIe siècle, accéda au rang de “maitre de la pluie” auprès des Indiens Tupí du Grande do Norte; ce dernier à sa mort jouit d’un culte posthume car il était considéré comme un shaman (De Castelnau-L’Estoile, 2006: 617).

Les médiateurs de Dieu (les prêtres missionnaires), le priaient pour faire tomber la pluie tandis que les “faiseurs de pluie” (les sorciers) étaient respectés par les habitants pour leurs incantations visant à contrôler les éléments naturels.

Approdato qui il nostro legno, e saputo dalla gente che v’ero io, contrario a Scinghili, cominciò subito a barbottare: “Or sì che affatto non averemo pioggia in questa stagione”. Ma la Divina providenza permise che appena portatomi a terra per celebrare, vomitarono dallo squarciato lor seno tanta quantità d’acqua le nuvole che, confusi, mi raccontarono poi da per loro le mormorazioni fatte contro di me. (Merolla, 1692: 111-112)13

Le Père Zucchelli attribuait, par exemple, les causes des sécheresses, fléaux ou du surgissement de bêtes féroces au sein des populations du Royaume du Congo à la main de Dieu, et ce, à cause de l’endurcissement du peuple, qui après pénitence et absolution persistait dans son erreur et dans la haine qu’il vouait aux missionnaires, les accusant même d’être les responsables des sécheresses et famines.

Accrebbe di molto li guai della […] carestia un altro notabile castigo dell’adirata giustizia di Dio, […]: E questo fù, che tutte le notti uscendo le Tigri da’ loro deserti, entravano a man salva nelle Libate dello Stato, dove ammazzavano e capre, e porci, ed ogn’altra qualunque specie d’animali comestibili che dovevano servire per il vivere delle famiglie. […] nè si arrischiavano li Negri di sortire dalle proprie case, sul timore, che n’ vece d’essere predatori, divenissero eglino medesimi predati, e divorati. Tutti questi castighi non erano con tutto ciò bastevoli per far rientrare que’ miseri in se stessi, acciò li venissero a conoscere per castighi severi della mano di Dio in giusta pena della loro infedeltà […]. (Zucchelli, 1712: 339)14

Enfin, Cavazzi avait utilisé lui aussi les mêmes motifs concernant la précipitation des eaux. Celuici évoque dans son récit, avoir été le témoin de scènes de hautes superstitions. Alors qu’il se trouvait dans un village frappé par la sécheresse, ses habitants se livrèrent à toute sorte de rituels exécrables mais rien ne fit descendre la pluie du ciel, si ce n’est les invocations et interventions du prêtre qui délivrèrent le peuple de ce problème.

Mentre adunque io proseguiva il mio viaggio, entra in un Villaggio, gli habitatori del quale, […], inconsolabilmente si lagnavano, perché, essendo il tempo della pioggia, […], non ne cadeva pure una gocciola, […]. […], trovai nel bel mezzo di un campo quantità di Persone, le quali havendo collocato, come a sedere, in sito eminente il fetido cadavere di un tale Antonio, stavandoli danzando d’intorno, intrecciando supplichevoli cantilene, con profumi, incensazioni, & offerte, affinché impetrasse loro dal Cielo la sospirata Pioggia: Nella destra mano del defonto vidi il Corno […]; nella sinistra una Corona di Zimbo; e da piedi molte vittime di Animali, e copia di Vasi ripieni di liquori presentati, secondo la loro opinione, per levarli la grande sete che soffriva. […]. Sgridai contro l’esecranda pazzia […]; indi col mio Crocefisso arditamente aprendo il circolo de’ circostanti, interruppi il sacrifizio, e mi avventai per atterrare il cadavero […] effettuato ch’ebbi liberamente il mio disegno, rivolto a coloro ch’erano rimasti, gli esortai ad invocare con sincerità di cuore il nome dell’onnipotente Iddio, dal quale, gli assicuravo, che, in virtù di un’intiera fede, otterrebbono quanto bramavano. La notte seguente cadde una sì copiosa pioggia, che tutte le biade ne furono bastevolmente irrigate, […]. (Cavazzi, 1687: 810-811)15

3.3. De la mort subite

Les épisodes relatant des morts subites correspondent aux morts d’individus, fulminés en raison de leur faute et impiété. Ce trait littéraire servait bien entendu à créditer la toute-puissance divine vis-à-vis de sujets malins ou superstitieux.

Ces reports de décès instantanés pouvaient concerner ceux qui étaient désignés des cannibales et qui par leurs méfaits envers les missionnaires. Ce fut le cas, entre autres, pour l’opinion de Zucchelli à propos du sort réservé aux Incas qui avaient commis l’anthropophagie de prêtres espagnols dans le Pérou de la conquête.

Di questa natura sono parimente li Peruani contigui alli Brasiliani, quali habitano ne’ deserti interiori del Perù, dove hanno la Missione li nostri Padri Spagnuoli, de quali mi raccontarono in Cadice due nostri Padri Missionari, ch’allora appunto erano ritornati da quella Missione, […] poco prima della loro partenza havevano quegl’Indii saettato, e martirizato un nostro Missionario, non per altro, che per voler loro vietare l’abuso destabile di mangiar carne humana: e così morto se l’arrostirono, e lo mangiarono. La Divina Giustizia però non volle che passasse impunita questa loro Barbarie, mentre tutti quelli ch’intervennero a quel sacrilego convito, pagarono poco doppo colla propria vita il fio della loro temerità: […]. (Zucchelli, 1712: 71-72)16

Il en est de même concernant Cavazzi qui relate un épisode d’une mort punissant un sujet qui ricanait des préceptes alimentaires du Vendredi saint. Pour cette impudence, ce dernier fut tué par son propre sang:

[…] un’Interprete mandò dire a quel Signore, stupirsi che un suo pari volesse beffarlo, mentre gli era noto, che i Cattolici in quel giorno di Venerdì non gustavano cibi di carne, e che singolarmente aborrivano quelli di carne humana. […]. Se ne rise lo scelerato, ma non già per lunga stagione, imperoche alcuni congiurati, […] l’uccisero; […]; si che il meschino impenitente passò da un momentaneo riso a piangere eternamente la sua trascurata conversione (Cavazzi, 1687: 749-750)17.

Un autre aspect de l’intervention des sorciers scandalisait nos Capucins: quand les féticheurs se mêlaient aux affaires des médecins, surtout quand il s’agissait de malades en situation désespérée. Sur l’abus de pouvoir des sorciers face aux malades, qui sûrement sévissaient davantage au XVIe siècle, Duarte Lopes résumait comme suit:

Les païens avaient aussi leurs magiciens, qui, trompant ces gens ignorants, leur faisaient croire que les idoles parlaient. Lorsque quelque malade se confiait à eux, s’ils le guérissaient, ils lui disaient que c’était l’œuvre des idoles; s’ils ne guérissaient pas, c’est que les idoles étaient irritées. Telles étaient, en partie, dans ce pays, les traditions religieuses qu’observaient les Mucigongo, avant de recevoir l’eau du saint baptême et de connaître le Dieu vivant. (Bal, 1965: 56)

Par leurs incantations et moyennant offrande, ils se prétendaient guérisseurs et, dès lors que le malade succombait, ils tenaient les parents pour coupables de parricide. Face à cette accusation qui aggravait la douleur de la disparition de l’être aimé et empêchait les missionnaires d’administrer le sacrement de l’extrême-onction, Merolla et les siens s’indignèrent au point d’affirmer (peut-être de façon vindicative) que ces sorciers en exercice seraient châtiés par le ciel et que, dès qu’ils oseraient abuser du désespoir des familles, ils seraient atteints de mort subite:

Stava la madre col figliuolo in braccio, e volendo il mago stendervi la mano per far le sue malie, spirarono in un subito il maliardo, e l’infermo [...]. Non dissimile da questo fu quell’altro che accadde a un ammalato. Chiamò costui un mago, […], a curarlo, che, in volere stender la mano sul paziente, esalò miseramente l’anima, restando privo della propria vita colui che colle malignità degl’incantesimi pensava prolongar la vita altrui. (Merolla, 1692: 109-110)18

Enfin, ce même Capucin livre une anecdote du même acabit. En effet, il l’avait apprise d’un des siens, le Père Francesco da Pavia qui lui-même la tenait d’un de ses confrères. Il était question de deux magiciens qui, au Royaume de Matamba, prêtèrent serment sur un missel, mais avec désinvolture. En raison de ce comportement, les deux furent terrassés: le premier succomba dans l’instant tandis que l’autre mourut après six heures. Ce châtiment divin contre qui se moque de Dieu figurait dans la narration à titre exemplaire et afin de magnifier l’autorité du Très-Haut.

Remarques finales

Si l’on veut mieux appréhender les similitudes d’actions (luttes acerbes contre le vieil ordre moral et le droit coutumier des Congolais et de leurs dirigeants spirituels) et de narrations (véhémence et punitions manifestées dans des traits d’écriture) présentes chez les trois Capucins italiens, Giovanni Antonio Cavazzi da Montecuccolo, Girolamo Merolla da Sorrento, Antonio Zucchelli da Gradisca, il convient de rappeler ces points fondamentaux:

1/ Les missionnaires mandatés en Afrique occidentale appartenaient à la Congrégation de Propaganda Fide. Ce fut une église militante, post-tridentine, qui porta sur les fonts baptismaux cet organisme créé en 1622. Il est vrai que les intentions premières de la congrégation étaient louables en ce qui concerne les programmes des missionnaires. En effet, le cardinal Francesco Ingoli, premier secrétaire de l’institution, mettait l’accent sur le rôle des prêtres, de former un clergé autochtone, d’alphabétiser, de s’intéresser aux coutumes des peuples et de promouvoir l’enseignement scolaire et universitaire. À ce titre Ingoli, cheville ouvrière du changement, résumait son souci primordial en cette formule: “Le monde non-européen ne doit pas être européanisé par la mission. Il doit être christianisé tout en gardant le plus possible son autonomie culturelle” (Metzler, 1971: 163). Cependant, cette devise peina à fonctionner. C’est ainsi que cette évangélisation fut la résultante d’un apriorisme idéologique visant à imposer des conceptions nouvelles à des peuples qui possédaient déjà leur propre éthos. Les missionnaires exerçaient leur ministère avec l’unique conviction que le salut des âmes était synonyme de civilisations des mœurs. Convaincus que leur système culturel était supérieur à celui des sorciers “païens”, ils ont développé un culturocentrisme qui se traduisit par des heurts, des incompréhensions et du racisme entre les prétendus “civilisateurs” et les “non civilisés” (Geertz, 1973: 119-120).

Ce problème s’aggrave quand l’Église essaie de pénétrer dans les cultures africaines et asiatiques. Avec des dogmes qui ont été élaborés, du point de vue historique, dans le contexte de la culture gréco-romaine et occidentale, cela exige bien plus qu’en simple traduction; pour parvenir à une inculturation véritable, le sens originel du dogme doit être à nouveau compris dans le contexte d’une autre culture. […]. L’acceptation d’un polycentrisme culturel à l’intérieur de l’Église conduit à poser le problème de l’interprétation des dogmes non seulement comme celui d’une médiation entre le passé et le présent, mais encore comme la tâche de retrouver la médiation entre les différentes traditions culturelles. (Santedi Kinkupu, 2003: 13-14)

Aussi, faut-il ajouter, la tentative manquée d’une église universaliste qui ne put se détacher des intérêts des pouvoirs monarchiques qui lui permettaient son expansion apostolique de par le monde. Les renversements d’alliances entre les puissances coloniales de l’époque, c’est-à-dire l’Espagne, le Portugal, la Hollande, l’Angleterre et la France, n’eurent de cesse de pénaliser le travail accompli par les missions (Pizzorusso, 2014: 239-240).

2/ De Propaganda Fide s’opposa par un décret apostolique du pape Urbain VIII datant de mars 1625, à la publication, dans les récits de mission, d’une narration exaltant une renommée, une vénération particulière de prêtres, ou d’allusions à des faits à teneur surnaturelle ou miraculeux (Zucchelli, 1712: 8[r]). Pourtant, des traits d’écriture zélateurs (c’est ici le cas chez nos trois Capucins) se retrouvent dans les textes des évangélistes, et ce, en dépit de la censure et des descriptoris protestatio (déclarations de l’écrivain) qui, placées en début et en fin d’ouvrage, engageaient l’auteur à respecter les prérogatives du décret. Par conséquent, on retrouve dans les livres de Cavazzi, Merolla et Zucchelli quelquesuns de ces éléments narratifs qui semblent échapper à ce principe éditorial.

3/ Les considérations du Dominicain Luis de Granada (1505-1588) à propos du métier de prédicateurs sont très éclairantes. Selon lui, nul ne peut réussir dans l’exercice du sermon sans maîtriser préalablement la rhétorique, laquelle s’acquiert par un dur apprentissage conduisant à la logique. Malheureusement, constate-t-il déjà en son époque, beaucoup de prêcheurs prennent leur fonction à la légère et peinent à s’exprimer correctement ou à connaître leur sujet. Tout ceci, nuirait à la repentance des pécheurs (Granada, 1844).

Les remarques cidessus ayant été énoncées, je peux résumer mon étude comme suit: il s’agit des cas précis de trois missionnaires capucins italiens, du nom Cavazzi, Merolla et Zucchelli, ayant œuvré, au XVIIe siècle, à l’évangélisation du Royaume du Congo et des contrées environnantes, sous l’égide de la Congrégation de Propaganda Fide.

Dans ce présent article, mon souci premier aura été celui de mettre en évidence, à la lumière de leurs écrits, les excès de zèle de ces trois missionnaires qui, loin de leur patrie et grisés par leur rôle de propagateurs de la foi, ont commis des bévues envers les Africains tenants d’anciennes croyances (sorciers, impies, autorités locales), lesquels se trouvaient en contradiction avec leurs dictats. Faute de connaissances approfondies sur les langues et cultures indigènes, nos Capucins se laissèrent aller à certains apriorismes qui se traduisirent par de la virulence dans leurs propos, par des épisodes d’abus et de violences envers l’ordre moral en place ou en état de survivance. C’est précisément les passages de heurts présents dans leurs narrations que j’ai voulu restituer et mettre en perspective.

Dans un second temps, je me suis intéressé aux différents récits de ces Pères laissant apparaître, là encore, des scènes punitives, mais cette foisci fabriquées ou dont la réalité avait été altérée ou enjolivée. Véritable exercice de style traduit en prose singulière et en rhétorique sermonnaire, les détails livrés par les missionnaires, qui portent sur les épisodes de justice exemplaire, sont cependant affabulatoires, pure pâte littéraire. Les trois prêtres en question ont usé et abusé de cet artifice dans leur compterendu de mission, afin d’exalter le triomphe de la foi chrétienne contre la superstition, mais aussi pour faire valoir leur zèle d’évangéliste en faisant montre, dans leur action ou narration, de dons propitiatoires. De ce fait, j’ai voulu mettre en exergue ce trait particulier d’écriture en donnant une hiérarchie à cette rhétorique engagée dans ses messages d’exemplarité, de rétribution des fautes, etc. J’ai donc introduit ces tournures littéraires et anecdotes en densité accrue, de celles racontant ou faisant état de simples brimades jusqu’à celles traitant de châtiments mortels.

Dans tous les cas, et en guise de considération finale: j’ai choisi ici de traiter les récits de trois missionnaires dont le profil, pour le moins littéraire, présente de fortes ressemblances, de par leurs partipris, postures, actions et prêtrises vis-à-vis de l’altérité avec laquelle ils se confrontèrent. Cependant, pour la décharge de la mission chrétienne en général, il aurait été tout aussi envisageable de se pencher sur des récits de missionnaires qui, à la même époque, ont su faire preuve, dans leur ministère, d’une majeure préparation intellectuelle, de paix et tolérance à l’encontre des peuples évangélisés, et de syncrétisme à l’égard des croyances rencontrées. Concernant Cavazzi, Merolla et Zucchelli, il apparaît que la mission était conçue chez eux autant par la plume que par l’épée.

Références

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1TdA: “[…] je fis fouetter, et abjurer publiquement deux femmes sorcières […], elles me dirent qu’après avoir invoqué le Démon, elles sentaient leurs têtes tourner et se mirent hors d’elles-mêmes, comme si elles étaient insensées, ou ivres”.

2TdA: “Quand j’eus connaissance de ce désordre, je cherchai également à obtenir une information différente sur qui pouvaient être ces impies, qui presque fatalement trompaient ces Gens: et les ayant fait prendre par mes Nègres, et lier aux arbres sur la Place publique, en les châtiant en présence de tout le peuple avec un fouet des plus solennels, je fis connaître à tous leurs tromperies: où ensuite par une telle punition, les Gens eux-mêmes détrompés, commencèrent à confesser l’ensemble de leurs péchés, et ainsi par le dernier recours du bâton je pus continuer en ces derniers temps la Mission”.

3TdA: “Mon Compagnon Ignazio s’étant rendu un jour à la boutique d’un forgeron pour son affaire, en discutant, ce qu’ils firent ensemble, il remarqua que celui-ci affirmait constamment, qu’il existe seulement deux Dieux dans l’Univers, le premier d’entre eux résidait au-delà des Étoiles, & le second demeurait dans ce sombre atelier. […]. Alors le Roi, […] ordonna qu’il soit immédiatement fouetté. Au moment d’effectuer cette Sentence, […] s’adressant à moi, il s’exclamait entièrement repenti. Ganga Ganga Zambi imexi quiri, ce qui signifie. Père. Père. Un seul vrai Dieu, et pas davantage”.

4Tda: “[…] je demeurai avec l’interprète pour le surveiller; et même si un grand nombre de personnes se trouvait dehors, le magicien s’enfuit. J’intervins pour le retenir, mais seul le petit pagne dont il était ceint me resta dans les mains; le chien de la maison lui sauta dessus, et […] je le fis tomber aussi grand qu’il était par terre. J’étais sur lui et je le tenais d’une main et avec l’autre je le mortifiais à coups de corde, […]. Finalement, on le fit abjurer, et avec la pénitence publique et salutaire de nombreux coups de fouet, il fut relâché”.

5Dans les Mystères, on trouve une série de sermons actés comme un guide de récitations pour le pasteur devant ses paroissiens. Cette littérature édifiante autour de fêtes saintes comme l’Épiphanie, l’Annonciation, l’Ascension, la Trinité, l’immaculée Conception de la Sainte Vierge, etc., traduit souvent un profond lyrisme en mettant en scène des contrastes avec des figures saintes, pieuses, avec celles de pénitents ou de pêcheurs endurcis, le but étant d’amener les auditeurs à la contrition. Pour exemple: Sermons du Père de Segaud de la Compagnie de Jésus ― Mystères―.

6TdA:“Une fois terminé l’Évangile, sur lequel on a l’habitude de prêcher, je pris comme thème ces paroles du même Évangile, [Tu ne tueras point]. Et employant cet argument contre les sorciers, je dis qu’il est beaucoup pire de détruire les âmes en les rendant idolâtres que de tuer le corps, étant l’une immortelle et l’autre corruptible. Et parce que je répliquai plusieurs fois, au cours du sermon, le mot détruire ou tuer, le peuple poussa un grand murmure”.

7TdA: “Alors que ce Tyran avait été excommunié avec ses Conseillers, au temps où sévissait la peste en d’autres terres, sans attaquer et s’étendre jusqu’à celles-ci, il s’introduisit un mal si pestilentiel telles que la rougeole ou la petite vérole […]. Il fit habiller tous les Cavaliers, […], et lui juste ceint d’un pagne, pieds nus, avec une couronne d’épines sur la tête, un Crucifix dans les mains et un épais cordage de bateau autour du cou, et, étendu sur le sol devant la porte de notre Hospice, il me demanda pardon pour tout ce qu’il avait fait de mal, […]. Le soir même, ayant précisé au Comte sa rechute dans l’excommunication, pour avoir donné deux esclaves aux Anglais, dans la nuit son épouse la Comtesse fut atteinte de syncopes, soit pour les inconvénients de la grossesse, ou peut-être pour la lourdeur des dégoûts qui s’étaient formés dans ses entrailles à cause de son mari le Comte”.

8TdA: “En lâchant les rênes de la Chrétienté aux sens, et à quelle qu’autre plus grande débauche, [le royaume] expérimenta bientôt combien le fléau d’un Dieu indigné est lourd; dans la mesure où de très féroces [tribus] Yaka sortirent de leurs tanières, avec une rapidité soudaine, propre à la toute-puissante justice, plus qu’au courage humain, elles inondèrent de rapines, de massacres et répandirent le sang dans tout ce grand Royaume […]. Dieu toucha les rescapés de nouveaux fléaux de peste, de faim, et d’une infinité de Sauterelles […] qui attaquèrent les herbes, même les palmiers, et n’importe quel arbre fruitier, jusqu’à ce qui ne restait misérablement au Pays que la destruction par les flammes; ce châtiment se renouvela bien souvent, et encore de nos jours, lors des années 1642, 43, 54, 58, 62, et 64. En restant à chaque fois pour quelques temps ruiné par les calamités”.

9TdA: “Une nuit, […] la Reine fut avertie, qu'une de ses femmes de service, était sur le point de mourir, […] elle envoya aussitôt son Interprète avec quatre esclaves porteurs, afin de porter secours à cette mesquine, comme nous le fîmes, même si vainement ; du fait qu’elle avait vieilli dans la répugnance, bien qu’occulte, elle ne voulut jamais se confesser, ou écouter l’Interprète, au terme duquel elle rendit l’âme dans les mains du Démon en vomissant du sang. […]. Le cadavre de cette femme coupable fut jeté aux fauves sur ordre de la Reine dont je dois sincèrement louer le zèle d’avoir utilisé tous les moyens, pour laisser en bon état cette Chrétienté”.

10TdA: “Le jour je demeurai à terre pour dire la sainte Messe, à laquelle étaient invités aussi les Gentils, et les femmes plus que tout autre chose, appréciaient tellement l’image sacrée de ma Vierge MARIE qu’elles frappaient des mains selon leur usage en signe de pieuse et dévote soumission, en disant: Eguandì Ziambiabungù magotti, benquì, benquì, et qui signifiait «Celle-ci est la Mère de Dieu, ô qu’est-ce qu’elle est belle!» Et agenouillées sur le sol elles l’adoraient, une attitude si tendre que j’en avais les larmes aux yeux en voyant chez des gens avec si peu de discernement quelque peu d’humble et religieuse reconnaissance”.

11TdA: “Le jour de la Purification de Marie toujours Vierge, j’acceptai de faire un sermon autour de ce sujet, et pour émouvoir encore plus le peuple, je disposai couverte devant sur l’autel son image en relief avec un poignard dans la poitrine, comme s’il coulait du sang par la meurtrissure. Je commençai à parler contre de semblables demoiselles, qui observaient cet abus diabolique, […] elles faisaient aussi non peu d’injures à la très sainte Mère”.

12TdA: “En voulant ce dernier un jour passer le fleuve avec deux autres de ses compagnons, il se vit soulevé en l’air par une main invisible. Un de ses compagnons voulut l’attraper par les pieds, mais il reçut une gifle qui le fit retomber dans la barque, plus jamais on ne vit le malfaiteur, […]”.

13TdA: “Notre bateau étant arrivé ici, et ayant su les gens que je m’étais moi contre le ku-scinguila, ce dernier commença à marmonner: «Maintenant c’est sûr que nous n’aurons pas de pluie cette saison». Mais la Divine providence permit que dès que je fus arrivé en terre pour célébrer la messe, les nuages vomirent de leur sein déchiré une quantité d’eau si importante que, confus, ils me racontèrent d’eux-mêmes les médisances prononcées à mon égard”.

14TdA: “Un autre châtiment remarquable de la justice de Dieu en colère augmenta beaucoup les problèmes de la […] disette, […]: Et ce fut, que chaque nuit les Tigres sortis de leurs déserts, entrèrent impunément dans les [Villages] de l’État, où ils tuaient et chèvres, et porcs, et toute sorte d’autres animaux mangeables qui devaient servir aux familles de vivre. […] les Nègres ne s’aventuraient à sortir de leurs propres maisons, avec la crainte, qu’au lieu d’être prédateurs, ils soient eux les proies et soient dévorés. Tous ces fléaux n’étaient pas encore suffisants pour faire revenir ces misérables à eux-mêmes, pour qu’ils les reconnaissent comme de sévères châtiments de Dieu comme juste peine à leur incrédulité […]”.

15TdA: “Alors que je continuai mon voyage, j’entrai dans un Village, dont les habitants, […], se plaignaient d’une façon inconsolable, parce que, c’était la période des pluies, […], il n’était même pas tombé une goutte, […]. […], je rencontrai au beau milieu d’un champ nombre de personnes, lesquelles avaient placé sur un siège, dans un endroit important le cadavre fétide d’un certain Antonio, dansant autour de lui, entonnant des chants de supplication, avec des parfums, de l’encens, & des offrandes, afin qu’ils obtiennent du Ciel la Pluie attendue: Dans la main droite du défunt, je vis une Corne […]; dans celle de gauche une Couronne de Zimbo [coquillage]; et aux pieds beaucoup de victimes animales, et deux Vases remplis de liqueur présentés, selon leur opinion, pour ôter la grande soif dont il souffrait. […]. Je criais contre l’exécrable folie […]; puis avec mon Crucifix, ouvrant le cercle de l’entourage, j’interrompis le sacrifice, et je me jetai pour mettre à terre le cadavre […] ce que je pus réaliser librement selon mon dessein, m’adressant à ceux qui étaient restés, je les exhortai à invoquer avec sincérité de cœur le nom tout-puissant de Dieu, par lequel, je les assurais, que, en vertu d’une pleine foi, ils auraient obtenu ce qu’ils désiraient. La nuit suivante ü tomba une pluie si ahondante, que tous les grains furent suffisamment arrosés [...]”.

16TdA: “De cette nature sont également les Péruviens voisins des Brésiliens, lesquels habitent dans les déserts inténeurs du Pérou, oú les Pères Espagnols ont la Mission par lesquels à Cadrx deux de nos Pères Missionnaires, qui venaient de rentrer de cette Mission, [...] peu avant leur départ ees Indiens avaient dardé de flèches, et martynsé un de nos Missionnaires, pour ríen d’autre, que vouloír leur mterdire l’abus détestable de man-ger de la chaír húmame: et ainsí mort üs le rótirent, et le mangérent. La Justice Divine ne voulut cependant que leur Barbarie resta impunie, alors ceux qui étaient intervenus au sacnlége festín, peu aprés payérent de leur vie, le pnx de leur audace [...]”.

17TdA: “[…] un Interprète envoya dire à ce Seigneur, s’étonner qu’un de ses semblables voulait le tromper, alors qu’il savait, que les Catholiques en ce jour de Vendredi n’appréciaient pas les aliments de viande, et que singulièrement ils avaient en horreur la chair humaine. […]. Le scélérat en rigola, mais plus pour longtemps, dans la mesure où quelques conjurés, […] l’assassinèrent; […]; de sorte de le pauvre impénitent passa d’un court rire à pleurer éternellement sa conversion négligée”.

18TdA: “La mère avait son enfant dans les bras, et le magicien en voulant tendre la main pour faire son enchantement, c’est le magicien et le malade qui expirèrent soudain […]. Un fait semblable à ceci se produisit avec un malade. Ce dernier appela un magicien, […], pour le soigner, et, en voulant tendre la main sur le patient, il rendit misérablement l’áme, mort pour avoir cru avec les malices des enchantements prolonger la vie des autres”.

Received: June 20, 2017; Accepted: September 22, 2017

* Docteur au sem de l’ED 355 («Espaces, Cultures, Sociétés») de l’Université d’Aix-Marseille et du CAER (Centre Aixois d’Études Romanes).

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